Comment leboncoin engage ses collaborateurs dans le changement ? – Echange avec Guillaume Grillat
leboncoin a organisé le 4 mars dernier sa première conférence tech, diffusée gratuitement sur internet : lbc². Depuis quelques mois, nous préparons des porteurs de projets à raconter leurs initiatives. Et certains d’entre-eux ont pris la parole lors du live du 4 mars. Cette conférence inédite a fait l’objet de nombreux apprentissages et répond à des enjeux qui concernent de nombreuses entreprises : Comment mettre en valeur l’engagement des collaborateurs ? Comment favoriser les échanges d’expertise inter-entreprises ? Comment stimuler la capacité à innover ? Guillaume Grillat, son organisateur, a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses. Voici la retranscription de notre échange.
Sébastien : J’ai le sentiment que nous contribuons tous à conduire le changement dans nos entreprises. Tout le monde ne le fait pas à la même échelle ou avec les mêmes responsabilités, mais chacun participe à faire une partie du chemin. C’est du moins ce qui devrait se passer ! La communauté de ceux qui participent à changer les choses font tous face aux mêmes enjeux : s’adapter à l’urgence, donner du sens, tester et apprendre vite, identifier et lever les résistances, etc. Et face à chacun de ces enjeux, la manière dont nous prenons la parole pour raconter le projet commun est déterminante
A ce titre, la conférence tech lbc², dont tu es l’organisateur, est porteuse de nombreuses bonnes pratiques. Guillaume, peux-tu rappeler les enjeux auxquels fait face leboncoin en termes d’adaptation et de changement. Et expliquer en quoi ta mission de « Tech Community Ambassador » sert ces enjeux ?
Guillaume : leboncoin connaît une forte croissance de ses effectifs depuis des années, passant de 130 tech (Engineering, Data, Product) en 2017 à plus de 400 tech en 2021, pour une population totale désormais de 1500 collaborateurs.
A ce contexte RH s’ajoute une perpétuelle évolution des technologies utilisées, ce qui nous amène à devoir se repenser en permanence.
Afin de tendre vers une organisation apprenante, nous nous efforçons de penser et déployer des modèles collaboratifs. Par exemple :
- en interne: le TOO – Travail d’organisation ouvert – ce sont des personnes qui proposent individuellement ou collectivement des projets pour améliorer le quotidien des équipes (amélioration du processus de roadmap trimestriel, organisation des chantiers techniques, mobilité interne etc.) ; chaque projet se veut collaboratif (n’importe qui peut le rejoindre) et itératif (facilité par des points réguliers, et des outils adéquats Slack & Confluence); il faut toujours un sponsor de la part de la direction Product & Tech. Parfois, c’est plus long à accoucher d’un projet qu’une directive top down, et moins épique qu’un plan quinquennal…mais le changement se fait plus collectivement, et au final plus naturellement.
- entre l’interne et l’externe : c’est justement mon rôle, le développement de collaborations entre notre communauté tech chez leboncoin et d’autres communautés externes (entreprises, réseaux meetups, associations, écoles etc.).
Dans les 2 cas, ce sont les équipes qui prennent leur responsabilité pour évoluer, en appliquant une politique de petits pas, en apprenant ensemble.
C’est la même logique au sujet de la montée en compétence. Pour beaucoup d’experts de nos équipes Tech, il n’y a pas de formation sur l’étagère. Pour continuer à apprendre il faut réussir à maintenir une veille permanente et une relation dans la durée avec ses pairs, qu’ils soient dans l’entreprise ou à l’extérieur.
C’est là qu’intervient mon rôle en tant qu’ambassadeur des tech. Ma mission consiste à faciliter le partage de connaissances, en interne & en externe, et in fine faciliter l’apprentissage des équipes tech. Je me rapproche d’un rôle de coach, qui généralement reste à disposition des collaborateurs, sans rien imposer, afin de maintenir les techs au sein de la communauté qui va pouvoir les faire grandir.
Sébastien : Ce qui est intéressant derrière l’organisation apprenante est qu’elle propose un cadre de liberté. Dans ce cadre, le collaborateur identifie sa marge de manœuvre et peut plus facilement lancer des initiatives et mettre en œuvre des projets.
Quand nous nous sommes rencontrés, Guillaume était déjà dans l’étape suivante : préparer les collaborateurs à « faire-savoir » leurs projets. L’objectif semblait être de se doter d’un pool de collaborateur/ambassadeur prêt à prendre la parole et diffuser leurs initiatives.
Pourquoi embarquer les collaborateurs dans une telle aventure et qu’est-ce que ça change de leur donner la parole ?
Guillaume : Avec le temps, j’ai pu observer deux choses : le changement naît du frottement entre des réflexions internes, confrontées à des pratiques externes, et on apprend en mettant en perspective du savoir théorique avec de la pratique.
Il n’est pas forcément évident de se connecter à une communauté externe (manque de temps, frilosité/timidité à se lancer etc.) Mais quand on y arrive, ça crée des histoires passionnantes.
J’ai tout récemment pu accompagner Guillaume, un de mes collègues Engineering Manager qui s’est emparé d’un projet de transformation technique, culturelle et organisationnelle. Il s’est directement inspiré de ce qu’a fait Netflix pour mettre en œuvre un projet de Chaos Engineering. Cela consiste à éprouver l’infrastructure de nos plateformes web et mobile, en provoquant volontairement des pannes et dysfonctionnements, afin d’en améliorer la sécurité.
Grâce à la communauté tech francophone, j’ai réussi à me connecter à Ludovic, un Software Engineer Senior travaillant chez Netflix à San José (US), et nous avons pu grâce à lui discuter de la réalité opérationnelle du Chaos Engineering. Guillaume s’est senti boosté par cet échange, à la fois motivé et rassuré sur le chemin qu’il doit prendre pour déployer ce projet d’envergure chez leboncoin. Il en a fait un talk en interne à destination des équipes Engineering du boncoin. Dans la foulée, il a aussi pu partager une de ses discussions avec Netflix lors de notre conférence tech lbc². Au final, c’est assez grisant de voir qu’une mise en relation génère de la montée en compétence, un projet concret et un enthousiasme à toute épreuve !
Sébastien : C’est un mécanisme vertueux que nous observons à chaque fois que l’on donne la parole aux équipes : parce qu’il faut raconter aux autres, je suis obligé de clarifier mon sujet et, maintenant que mon projet est clair, je mesure et j’augmente mon influence sur l’organisation. Il est toujours enthousiasmant de constater que l’on a participé à changer les choses.
Les sessions de coaching suivies par les participants avaient vocation à muscler la structure de leur propos et à amplifier l’impact du duo orateur/slide. Mais j’imagine que lorsque que l’on signe chez leboncoin en tant que développeur, on ne s’attend pas forcément à devoir prendre la parole et à endosser le costume de « l’évangélisateur ». Comment as-tu gérer cet aspect avec eux ?
Guillaume : Il faut admettre que notre éducation scolaire en France ne met pas en avant l’oralité. Pour beaucoup de gens, une prise de parole en public est synonyme d’exposé avec, en prime, la frousse de dire des bêtises.
Il a d’abord fallu dépasser cette idée ancrée profondément en moi, pour changer de paradigme : partager un retour d’expérience n’est pas LA vérité, juste une réalité vécue.
Puis il a fallu motiver les tech du boncoin à se lancer dans ce projet ! Ma responsabilité était donc de mettre mes collègues dans de bonnes conditions pour apprendre et maîtriser leur prise de parole.
Pourquoi faire appel à un partenaire externe, comme ZEPRESENTERS ?
- Un binôme complémentaire : côté leboncoin, j’étais garant de la bonne compréhension du témoignage, de l’historique et de la connaissance des équipes ; De son côté, Sébastien était le tuteur sur l’apport méthodologique pour bien retranscrire une histoire et la rendre instructive.
- Le fait que Sébastien soit extérieur au boncoin a aidé à donner un cadre de travail, formaliser un agenda et rassurer chacun
- Et c’est un apprentissage pour tout le monde ! La méthode m’a beaucoup apporté à moi aussi. Depuis, il y a un truc que j’essaye de travailler, c’est la maîtrise de la dramatisation d’un récit, ça prend du temps et j’ai encore des efforts à faire…
Sébastien : La dramatisation est un ingrédient important de la méthode HUBSTORY®. Il fait parfois peur car on imagine, à tort, que pour avoir un impact sur les autres il faut forcer le trait, voir manipuler l’auditoire. La dramatisation est au contraire un effort de sincérité et d’authenticité. Il amène les orateurs à se rappeler pourquoi tout ce qu’ils font est important, pour eux comme pour les autres. L’objectif n’est pas de rendre triste, mais de mobiliser l’auditoire autour d’enjeux clairs qui donnent envie de se mettre en mouvement.
Au sujet des enjeux, nous avons pu constater que les équipes ont parfois une tendance à banaliser ce qu’elles font. Cela peut être de l’humilité. Mais cela peut aussi mettre en exergue que les enjeux ne sont pas toujours clairement partagés. Qu’en penses-tu ?
Guillaume : La grande difficulté dans une boîte de 400 tech, c’est de faire circuler l’information !
J’ai parfois observé qu’il y avait un décalage entre la valeur perçue d’un projet par le management et par les développeurs sur le terrain. Par exemple, lors de la préparation de notre conférence lbc², mon CTO et des équipes Produits me parlaient du développement d’une fonctionnalité publiée en 2020 sur leboncoin qui a eu un impact business énorme. 60% des utilisateurs se diraient mécontents si on la retirait. Pourtant, les développeurs qui avaient bossé sur ce projet, jugeaient très humblement leur collaboration, sous-estimant clairement les efforts entrepris.
Pour éviter ce contraste de perception, il est souvent très utile de prendre un peu de temps pour faire une rétrospective à l’issue d’un projet ou d’une étape importante afin de bien mettre en commun les apprentissages et la valeur générée.
Sébastien : Dans les séminaires stratégiques il est courant de voir se succéder les décideurs qui ne manquent pas de rappeler le changement qu’ils souhaitent pour l’organisation. Cela reste nécessaire. Mais de plus en plus de nos clients décident de partager la parole avec ceux qui mènent ce changement, sur le terrain, souvent de leur propre initiative. C’est un vrai levier pour animer l’engagement et la fierté. Cela met en valeur les collaborateurs qui s’engagent, valorise les managers qui leur ont fait confiance et donne envie aux autres de se mettre en mouvement. D’où l’intérêt de préparer vos collaborateurs à intervenir en amont.
Au cours de nos accompagnements, j’ai découvert que tu avais un projet ambitieux en tête. Faire intervenir des collaborateurs leboncoin avec des intervenants issus d’autres entreprises tech au sein d’un événement « made by » leboncoin : lbc². Pourquoi t’être lancé dans un tel projet ?
Guillaume : Les bons codes par leboncoin, c’est une après-midi de conférences, tables rondes et discussions en live entre des acteurs de l’écosystème tech, qu’ils soient des grosses plateformes technologiques (Netflix, Zalando, doctolib, Deezer, leboncoin, etc.) ou bien des personnes qui font avancer la tech, comme Guillaume Rozier, fondateur de CovidTracker, ou encore Chloé Hermary, fondatrice de l’école féministe Ada Tech School.
Notre objectif ? Rassembler ces acteurs tech autour de problématiques communes à tous avec 3 tracks : grandir grâce aux technologies, grandir & s’organiser en conséquence puis grandir attaché à ses valeurs. On voulait aussi inciter les tech à se connecter entre eux, que chacun(e) puisse trouver sa ou ses communautés tech.
Au final, 9 conférences et Q&A en live avec 20 speakers français et internationaux, 1300 participant(e)s, et une énergie incroyable, malgré la distance!
Nous la voulions gratuite, et accessible à tous sur des sujets tech de pointe. Les replays sont à retrouver sur lbc2.fr.
Cette conférence nous a ouvert des échanges et collaborations avec des sociétés, avec de lancer des discussions plus poussées, ou du consulting dans les semaines et mois à venir. Un seul objectif: confronter nos pratiques en apprenant des autres.
Il y a aussi un accompagnement à poursuivre auprès des communautés technologiques dont je m’occupe qui me disent avoir envie de se connecter à d’autres tech. J’ai identifié une soixantaine de groupes meetup qui peuvent avoir un intérêt pour nos tech chez leboncoin.
Ma mission de facilitateur d’apprentissage n’en est donc qu’à ses débuts 🙂
Sébastien : Merci encore pour ta confiance Guillaume. On réduit parfois nos interventions à de la « préparation oratoire ». On voit bien ici que le sujet dépasse largement le cadre de l’aisance à l’oral. Il s’agit de permettre à ceux qui souhaitent s’engager de devenir des leaders d’opinion sur leurs sujets d’expertise. Le leader d’opinion n’est pas le chef ! C’est celui que l’on prend l’habitude de faire intervenir car son avis compte. Et c’est un réservoir de talents inépuisable chez toutes les organisations.
N'abandonnez plus vos idées !
Toutes les 2 semaines, nos Storymanagers se penchent sur une question que l'on se pose tous concernant la prise de parole en public.
Créativité, Pitch, Storytelling, Storydesign ou encore Leadership, tous les axes de notre méthodologie sont décortiqués pour vous aider concrètement à mieux présenter vos idées !
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