53 – LA PEUR DU TROU

Aujourd’hui, on va parler d’une peur qui touche de nombreux orateurs et oratrices : c’est la peur de… De quoi déjà ? Oui, c’est la peur du trou de mémoire.

Pendant une bonne dizaine d’années, j’ai fait du théâtre de manière assez intensive, une à deux pièces par an, dans une troupe semi professionnelle. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai rencontré mon associé Sébastien Bernard, qui en était le metteur en scène principal.

Et il y a une question qu’on m’a souvent posée, c’est celle-ci. « Ça doit être dur d’apprendre un texte par cœur. Comment tu fais pour ne rien oublier ? ». Alors bien qu’elle soit totalement légitime, cette question m’a toujours fait sourire parce qu’elle pourrait laisser penser que le principal enjeu d’un comédien serait de ne pas oublier son texte.

Alors oui, apprendre un texte par cœur, ça demande un peu de mémoire, mais surtout beaucoup, beaucoup de travail de répétition

Pour vous donner un ordre d’idée, nous répétions en moyenne entre 100 et 120 heures pour une pièce d’1h30. Mais connaître son texte par cœur, ce n’est pas un objectif pour un comédien, c’est juste un moyen.

C’est le moyen de répondre au véritable enjeu d’un rôle, à savoir l’interprétation du texte et l’incarnation du personnage qu’il met au service de l’histoire.

La bonne nouvelle, c’est qu’à priori, vous n’êtes pas comédien et une présentation n’est absolument pas une pièce de théâtre. Le texte, c’est vous qui l’avez écrit, le personnage que vous interprétez, c’est vous même et l’histoire que vous partagez, c’est celle de votre projet.

Si je vous raconte tout ça, c’est pour vous faire prendre conscience que quand on a peur d’avoir un trou de mémoire, c’est que souvent, on s’inflige une trop forte exigence et surtout, on se trompe d’objectifs de présence.

Quand vous prenez la parole, votre objectif n’est pas de réciter un texte que vous avez appris par cœur comme un bon élève en espérant que le public vous donne une bonne note

Non, votre véritable objectif de présence, c’est de partager l’essentiel de vos idées et de vos projets avec sincérité et conviction.

Et si vous avez besoin d’être rassuré, je peux vous dire que pour lesquels vous avez besoin, vous n’avez personne ne vous en voudra si vous avez oublié un mot, voire même un propos. Mieux, personne ne s’en rendra compte, parce que personne d’autre que vous ne sait ce que vous allez dire. Alors oui, bien sûr, dans certains contextes de prise de parole complexes à très forts enjeux où chaque mot compte, il est nécessaire d’apprendre un texte par cœur.

Mais dans ce cas, pour ne rien oublier, il n’y a pas d’autre secret que de faire comme les comédiens, à savoir répéter, répéter et répéter autant de fois que cela est nécessaire. On appelle ça « mâcher son texte pour créer des automatismes ». Mais franchement, dans l’immense majorité des présentations, vous n’avez pas besoin de vous coller la pression d’apprendre votre texte par cœur.

C’est même souvent contre-productif, car vous n’avez pas le temps qu’ont les comédiens pour préparer un rôle.

Avoir un trou de mémoire, ça arrive voici 3 conseils pour limiter les risques et gérer cette situation

Le premier conseil, c’est de connaître non pas parfaitement votre texte, mais le chemin de vos idées

Quand je prépare un orateur, j’aime bien lui partager cette image. Pour moi, une présentation, c’est un peu comme la forêt de votre enfance, c’est à dire un endroit que vous connaissez très bien, que vous pouvez vous représenter de manière globale et dont vous connaissez les points de repère essentiels.

L’entrée avec le Grand Chêne, puis le pont de pierres au-dessus de la rivière, puis la Grande Clarière, puis le coin à champignons, etc. Et dans cette forêt, vous n’êtes jamais perdu, parce que même si vous vous égarez, vous avez les points de repère pour retrouver votre chemin.

C’est la même chose pour vos interventions. Ayez bien en tête les points de passage clés. Et si vous avez un trou, ce qui peut arriver, il vous suffit de faire une pause et de vous dire où j’en étais. Oui, le pont de pierres. Et vous reprenez votre chemin.

Le deuxième conseil, c’est d’utiliser vos slides comme des bornes pour baliser ce chemin en respectant la règle fondamentale d’une idée par slide

Ainsi, vos slides vont vous servir en quelque sorte de GPS. Elles vous guident idée après idée dans un fil narratif cohérent.

Et même si vous avez dû faire un petit détour parce que quelqu’un vous a posé une question, par exemple, vous pouvez reprendre le fil narratif de votre présentation très facilement en rebondissant sur l’idée qui est affichée sur votre slide pour ensuite amener votre public à la prochaine étape.

Par exemple, vous pouvez dire « Merci pour votre question. J’espère y avoir besoin de bien répondu. On vient de voir que le problème que nous devons régler, c’est celui-ci et je vous propose maintenant d’envisager les solutions possibles. Puis vous cliquez sur votre télécommande pour passer à la prochaine slide.

Troisième et dernier conseil, si vraiment vous avez un trou, comment le gérer ?

La première chose à faire, c’est de ne pas vous en vouloir, car ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Et encore une fois, vous n’êtes pas en train d’interpréter les Alexandrins de la tirade du nez de Cyrano de Bergerac.

Généralement, un trou de mémoire est produit par une distraction qui accapare momentanément l’attention de votre cerveau. On appelle ça la concurrence cognitive. Ça peut être un bruit parasite, le regard de quelqu’un dans le public qui croise le vôtre ou une personne qui se met à parler à son voisin et qui vous dérange, et votre cerveau se déconnecte à l’ordre du flux de votre pensée et vous perdez le fil.

Et dans ce contexte, se forcer à essayer de retrouver votre propos ne fait en général qu’ajouter à la confusion et au stress, car vous vous déconnectez encore plus de l’instant présent. Or, la meilleure chose à faire, si cela vous arrive, c’est justement de vous ré ancrer dans le présent de votre présentation.

Faites une pause, respirez, jetez un œil à vos slides ou vos notes pour reprendre pleinement conscience de l’ici et maintenant de votre intervention. Généralement, la connexion revient rapidement, un peu comme si on rallumait les lumières sur le chemin de vos idées.

Si ça ne revient pas par vous-même, assumez-le et demandez tout simplement aux publics qui vous écoutent de vous aider. Dites un truc du genre « Écoutez, je suis désolé, j’ai perdu le fil de mon propos. Je vous parlais de quoi juste avant ? ». Il y aura toujours quelqu’un dans la salle pour vous répéter les derniers mots que vous avez prononcés, la dernière idée que vous avez partagée et généralement, cela suffit pour vous remettre sur le bon chemin.

Et puis, si personne ne peut vous répondre, c’est que personne ne vous a écouté, mais ça, c’est une autre histoire. Bref, pour conclure, le meilleur moyen de ne pas avoir un trou de mémoire, c’est de connaître le chemin de vos idées et de vous servir de vos slides comme un GPS qui vous guide sur ce chemin d’idée en idée.

Et puis, si vraiment vous vous perdez, arrêtez-vous sur le bord de la route pour faire le point sur la carte et en dernier recours, demandez à votre public de vous aider à retrouver votre chemin.

Merci d’avoir écouté ce 53ème épisode de Moment de vérité ». Si vous avez envie d’en savoir plus sur Zepresenters, notre méthodologie, notre offre de conseils, de formation et de conférences, je vous invite à télécharger gratuitement notre petit guide de survie pour rendre vos idées désirables.