Interview de Vanessa Chocteau : Le Pitch est un peu le MBA de l’entrepreneur

Interview de Vanessa Chocteau : Le Pitch est un peu le MBA de l’entrepreneur

On associe souvent la révolution digitale et l’uberisation. Il y a pourtant une entreprise qui a été touchée bien avant le marché des taxis : La Poste. En quelques années, le courrier électronique a complètement changé notre rapport au courrier classique et la tendance à la dématérialisation touche profondément nos vies professionnelles et personnelles.

Pourtant, La Poste est toujours là ! Et on l’observe se réinventer avec une énergie et une créativité qui sont souvent portées en exemple. Il faut dire qu’avec 443 ans d’histoire, le digital n’est pas la première révolution qu’elle subit. Depuis 2018, Vanessa Chocteau est en charge de la transformation interne de Docaposte, le fer de lance du numérique au sein du groupe. Pour embarquer les 5 000 collaborateurs et insuffler le goût et l’esprit d’entreprendre, Vanessa s’appuie sur son implication auprès de centaines de startups pour créer des ponts avec des entreprises de toute taille.

Elle dirige également le programme French IoT, qui accélère le développement des startups impliquées dans la création d’objets et de services connectés. Nous voulions profiter de son expertise, entre grands groupes et startups, pour décrypter comment le Pitch peut devenir un outil central, un langage commun pour faire de chaque partenaire et de chaque collaborateur un ambassadeur du changement.

Quel est l’enjeu pour un groupe structuré comme La Poste d’alimenter cet écosystème de startups ?

Tout va tellement vite dans le numérique en matière de technologie que nous ne pouvons pas tout maîtriser, surtout dans un groupe aussi vaste que La Poste dans lequel il y a des métiers très différents. Si nous voulons toujours être à la pointe sur chacun de nos marchés et sur chacune de nos verticales, il faut aller vite. Nous devons innover, et cela La Poste l’a toujours fait, mais pour gagner en vitesse, nous avons besoin de nous associer à des startups. Mais pas seulement : nous interagissons aussi avec des PME, des ETI et des grands comptes pour innover ensemble. Il est très important d’identifier cet écosystème et d’en prendre soin dans la durée.

Qu’est-ce qu’un grand groupe structuré avait à apprendre d’une startup ? Et inversement, qu’est-ce qu’une startup peut apprendre d’un grand groupe ?

Nous avons beaucoup à apprendre des uns et des autres. Une startup va apprendre ce qu’est la formalisation et la rigueur, les questions juridiques, etc., et dès lors, la startup va devoir s’organiser et mieux cadrer les choses. Par ailleurs, le grand groupe peut également lui donner accès à des ressources financières, des compétences, des partenaires… À l’inverse, les grands groupes sont trop souvent coincés dans leurs habitudes. Ils ont besoin de s’ouvrir et d’innover. L’innovation ne se décrète pas. Plus les grands groupes côtoient des startups, plus ils constatent qu’elles sont plus agiles, qu’elles osent des choses, qu’elles sont des hackers. Cela les remet en question, leur évite de se scléroser, et leur permet d’acquérir de nouveaux réflexes.

Ce n’est pas seulement une histoire de génération. Il y a de tout parmi les startupers : des jeunes qui sortent de l’école, des salariés qui souhaitent se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, des serial entrepreneurs qui tentent l’aventure alors qu’ils ont 40 ou 50 ans. Mais ce qui les caractérise tous, c’est leur envie d’entreprendre, leur manière d’oser. C’est cela que les grands groupes recherchent : la petite étincelle qui permet de sortir de sa zone de confort.

Les grands groupes ont une image à préserver, et ils doivent donner des garanties. Ils sont plus re- gardés que les autres, et il y a des règles concurrentielles à respecter. Ce n’est pas le cas des petites structures qui démarrent et qui n’ont pas ce champ de contrainte. L’audace des startupers est fondamentale. Et travailler avec eux permet une réelle complémentarité.

Dans les grands groupes, beaucoup de gens se sentent contraints et freinés. Nous avons pourtant l’impression que leur périmètre d’autonomie est plus vaste qu’ils ne le croient. Qu’en penses-tu ?

Lorsque nous organisons des rencontres entre grands groupes et startups, il y a des gens qui nous disent « Mais moi je l’avais cette idée » ! Mais la personne n’en avait pas parlé, ou elle n’avait pas présenté les choses de façon à ce que son idée soit retenue. Il est donc essentiel de donner envie aux gens de s’exprimer. Pour cela, il faut apprendre les codes de la communication afin que l’idée puisse être reçue et entendue et qu’elle puisse aboutir. Il faut oser proposer. C’est ce que les startups font en permanence. Pour rejoindre notre programme d’accélération, elles acceptent toutes de pitcher

5 minutes devant des gens qu’elles ne connaissent pas, ce qui peut être assez violent. Pour les re- mercier de leur confiance, nous faisons venir les grands groupes partenaires – Altarea Cogedim, Fonds FHF, La Poste, Malakoff Médéric, RATP – et c’est nous qui pitchons devant eux.

C’est un exercice fabuleux. Mais il montre que les grands groupes, et notamment les chefs de projet ou d’innovation, ont également besoin d’être formés et accompagnés.

Dans le programme de la French IoT, 15 startups sont sélectionnées pour participer au Bootcamp. Quelle est la philosophie de ces 4 jours ?

Dans notre programme, lorsque nous accompagnons des startups, notre objectif est de les rendre robustes. Il faut qu’elles soient solides pour que les grands groupes n’aient pas peur de travailler avec elles. Le Bootcamp est le point incontournable, c’est un peu le MBA de l’entrepreneur, il s’agit de tout revoir : la technique, le business et l’usage. Il faut tout remettre à plat. Nous pensons souvent à tort que les startupers savent tout faire. C’est faux. Ce sont des créateurs qui ont des idées, mais ils viennent d’un domaine particulier – ingénierie, sciences sociales, business – et souvent, ils ne sont pas à l’aise avec les autres domaines. Le Bootcamp consiste à leur donner les moyens de tout maîtriser encore plus vite afin de discuter avec nos entités business et de nous associer.

Après le Bootcamp, nous allons les amener à de nombreux événements métiers. Au CES de Las Vegas, bien sûr, mais aussi à Slush Helsinki, à IFA Berlin, à BPI France, à Viva Technology, etc. Le Bootcamp leur sert à se préparer, à peaufiner leur façon de présenter les choses afin que cela soit une véritable réussite et une vraie mise en valeur.

Depuis 4 ans, nous intervenons au sein du Bootcamp pour partager notre méthode de Pitch. Qu’est-ce que ça leur apporte ?

Pour moi, le Pitch est essentiel pour les startupers car c’est la quintessence même de leur métier. Lorsqu’ils deviennent entrepreneurs, ils deviennent les premiers commerciaux de leur entreprise. Ce sont eux qui doivent aller vendre et convaincre les investisseurs, les partenaires, les clients. Dès lors, c’est fondamental qu’ils sachent élaborer des Pitchs. La rencontre avec ZEPRESENTERS a été essentielle car nous ne voulions pas uniquement de la technique commerciale. Nous souhaitions qu’il y ait cette petite magie, ce petit supplément d’âme. C’est ça que vous leur apportez. Au départ, nous ne nous connaissions pas. Vous étiez également une « jeune pousse », et il est vrai que dans le cadre du programme, nous aimons travailler avec d’autres startupers. Nous vous avons fait confiance, tout en prenant un sacré risque. Je me souviens que vous leur avez demandé de pitcher à tour de rôle pendant une minute. Ils étaient 16 et je les trouvais déjà très bons. Je me demandais bien ce que nous pouvions leur apprendre de plus. Et finalement, à la fin de la semaine, tout était à la puissance 10. Tous les Pitchs sont passés de la défense d’une solution expliquée point par point avec toutes les fonctionnalités, à une histoire qui réussissait à tous nous embarquer. Et ça, j’ai adoré.

C’est important car lorsque nous les amenons au CES de Las Vegas, il ne faut pas se planter. Ils se re- trouvent devant des investisseurs, des distributeurs américains et la scène internationale, ou devant de grands patrons français. C’est une occasion pour eux de faire une première très bonne impression.

Et parfois, la personne qui doit pitcher n’est pas là, et c’est un autre startuper qui vient à sa rescousse et qui fait le Pitch à sa place car il maîtrise totalement le discours. J’adore ce moment-là. Je trouve cela puissant. Ça prouve qu’il y a un esprit collaboratif, humain, collectif. Ça a une portée formidable pour ceux qui écoutent.

Quelle est ta vision du monde qui les attend après ? À quoi doivent-ils se préparer ?

Je pense que l’entrepreneur se prépare à la solitude, qu’il va se confronter à des obstacles, des moments de crise.
Dans ce contexte difficile, maîtriser son Pitch est essentiel car ils sauront aller rencontrer un investisseur et mettre en avant leurs idées. Cela va les soulager et ils pourront davantage se concentrer sur des points plus difficiles comme l’élaboration de leur plan de financement. Cela ne sera pas simple tous les jours. Il y aura de grands moments de gloire, mais aussi des périodes plus creuses. Dans ces moments plus difficiles, il est important d’avoir un socle solide.

En 4 ans, nous avons accompagné avec toi plus de 60 startups. Comment expliques-tu qu’il n’y ait pas 2 Pitchs identiques alors que nous partageons la même méthodologie ?

Je pense que la méthode est simple et facile à mémoriser. Et en même temps, il y a suffisamment de richesse dans chaque point de la méthode pour personnaliser le propos et le singulariser. Je pense que c’est fondamental et c’est exactement notre philosophie pour les startups. Une startup va vouloir se développer à la mode Silicon Valley, en rêvant de devenir « une licorne » qui va progresser très vite, ou elle va préférer rester un « small business » afin de conserver la maîtrise de son entre- prise et de maintenir un cadre convivial avec une petite équipe.

Donc le plus important pour les startupers est de savoir ce qui correspond le mieux à ce qu’ils ont réellement envie de faire. C’est pareil avec le Pitch : conserver son authenticité afin que le Pitch reste à l’image de la personne.

Par exemple, sur la partie qui sert à capter l’attention du public, j’aime beaucoup comment vous aidez chacun à choisir son accroche par rapport à sa personnalité. Commencer son Pitch par une blague, quand on n’est pas spécialement porté sur l’humour, je pense que c’est déconseillé. Ceux qui sortent du lot ne sont pas nécessairement les meilleurs pitchers ou les plus charismatiques. Ceux qui sortent du lot, ce sont ceux qui savent adapter la méthode à leur personnalité et qui font donc ressortir leur supplément d’âme. Ce sont souvent les personnes les plus authentiques, ceux qui montrent leurs failles. Cela leur permet de ra- conter une histoire et cela donne des frissons. Les gens ont ensuite envie d’acheter cette solution ou de miser dessus.

Récemment, nous avons partagé notre méthodologie auprès des équipes Docaposte. Qu’est-ce que cela a provoqué ? Comment évoluent-elles ?

Je remarque que savoir pitcher les libère et qu’en- suite, les individus s’autorisent plein de choses. Ils ne construisent plus leurs slides de la même façon, ils ne commencent pas leurs Pitchs de la même façon. Ils sont plus créatifs. Par ailleurs, la force du collectif leur permet de se challenger entre eux. Les équipes se sentent autorisées à faire différemment, et à se faire des petites piqûres de rappel entre elles. Je trouve qu’il y a une belle dynamique

qui se met en place. Par ailleurs, je pense que la méthodologie ZEPRESENTERS est un merveilleux outil pour se rappeler l’enfant que nous étions, capable de raconter des histoires, d’inventer, d’imaginer. Je trouve que tous ces exercices nous re- connectent avec notre enfant intérieur. Et ça, c’est enchanteur !

A propos de Sébastien Bernard

Créateur de la méthode HUBSTORY®, il supervise tous les aspects liés au storytelling. Son approche de la prise de parole conduit au développement d’un leadership naturel fondé sur la sincérité, l’affirmation de soi et l’attention porté aux autres.

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